Bonjour Mes Chers Lecteurs,
Ce qui suit est tiré du FUKUSHIMA-BLOG et est reproduit avec l'aimable autorisation de son auteur que je tiens ici à remercier.
Merci de lire... et de faire votre propre idée...
Serviteur,
Ce qui suit est tiré du FUKUSHIMA-BLOG et est reproduit avec l'aimable autorisation de son auteur que je tiens ici à remercier.
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Serviteur,
Quand, en 2011, la marine américaine se retrouve piégée
par le nuage radioactif au large de Fukushima… A qui la faute ? Et que
cherche-t-on à protéger en niant l’importance de la pollution subie ?
C’est le sujet du troisième article de Jean-Marc Royer, tiré de son
ouvrage inédit, "Le nucléaire, érotisation suprême et planétaire de la mort ".
_________________________
Atoms for peace [1], à la sauce baroque, au bas mot
Jean-Marc Royer
Une
des obsessions du village nucléaire international est de cacher la
nature et le niveau des effluents radioactifs émis durant les premiers
jours de la catastrophe de Fukushima après les explosions des réacteurs,
car il y a là de gigantesques enjeux économiques, juridiques et
politiques internationaux. Or il vient de se produire un petit évènement
gênant pour tous ces thanatologues et thanatopracteurs du nucléaire,
comme si la vérité que l’on voulait absolument enfouir dans de profonds
souterrains comme un déchet, venait inopinément de surgir à un endroit
inattendu. Voici.
Participant à l'opération Tomodachi – amitié – déclenchée le 11 mars 2011, le porte avions à propulsion nucléaire de 100 000 tonnes USS Ronald Reagan, sur lequel servaient 5 500 personnes [2]
s’était dérouté afin de servir de plate-forme de ravitaillement et de
zone de transit pour les victimes et arrivait le lendemain aux abords de
Fukushima (environ 3 km). Malheureusement, le vent soufflant vers la
mer ce jour là, le navire était pris dans une sorte de « nuage inattendu », les hommes sur le pont se retrouvant enveloppés par une moiteur qui leur laissait dans la bouche « comme une sorte de goût métallique »,
le même que certains riverains avaient pu sentir lors du dégazage de
Three Mile Island : ces personnels allaient être parmi les premiers à
être exposés au panache de rayonnements dus à l’explosion du
bâtiment-réacteur n°1 à 15h36. Les niveaux d'exposition sur le navire et
sur les chaussures des militaires s’avérèrent être étonnamment élevés.
De plus, les marins, comme à leur habitude, avaient utilisé l'eau de mer
dessalée grâce aux dispositifs internes, pour cuisiner, se doucher,
ainsi que pour tous leurs autres besoins avant que cela ne leur soit
interdit. Cette situation dura dix heures avant que le bateau ne soit
repositionné à plus de 100 km et que des mesures supplémentaires soient
prises. Selon le Huffington Post du 27 février 2014 « des retombées
graves ont été également apparemment trouvées sur les hélicoptères qui
revenaient des missions de secours. […] à 100 mètres devant,
l'hélicoptère lisait 4 sieverts par heure.[3] »
Pour mémoire, le 16 mars, la US Nuclear Regulatory Commission portait
la zone d’exclusion à 80 km de Fukushima, le 17 le département d’Etat
publiait un mémo recommandant l’évacuation du Japon à tous ses
ressortissants, personnels de l’ambassade et de la défense compris, et
le 21 mars la prise d’iodure de potassium était recommandée jusqu’à 320
km de Fukushima. Ensuite de quoi des considérations diplomatiques et la
prise en compte des intérêts de l’industrie nucléaire ont rapidement
atténué des recommandations trop visibles …
La
marine a toujours argué depuis le début que le porte-avions n’était pas
contaminé, mais ni le Japon, ni la Corée du Sud, ni même l'île de Guam
ne l’ont autorisé à venir à quai après cette mission. Depuis, le navire,
après quelques épisodes, est finalement allé en cale sèche 14 mois à
Bremerton, dans l'état de Washington, près de Seattle, pour un
soi-disant « grand entretien et une remise à niveau » puis en est
reparti en mars 2013 vers San Diego ; mais selon son capitaine, il
semble que sa fin approche et c’est sans doute pour cela qu’il est prévu
de l’envoyer loin, très loin dans le Pacifique, pour se faire oublier
dans un de ces cimetières marins où il sera mis en pièces à mains nues
par les esclaves des temps modernes qui y laissent leur peau.
Mais
les marins connaissent depuis leur retour des problèmes de santé rares
et gravissimes pour des personnes aussi jeunes : leucémies,
dégénérescence du nerf optique, cancer de la thyroïde, des appareils
génitaux et du cerveau. En avril 2012, le lieutenant Steve Simmons, un
sportif, était hospitalisé pour une inflammation des ganglions
lymphatiques, mais bientôt ses jambes ne le porteraient plus : il se
déplace maintenant en fauteuil roulant. A trente cinq ans, il a été mis à
la « retraite pour raison médicale » en avril 2014. Mathew Bradley,
lui, a contracté une maladie dégénérative de la colonne vertébrale. Une
femme de la Navy affirmait quant à elle : « pendant l'opération
Tomodachi, j'ai commencé à avoir des migraines, des cycles menstruels
irréguliers. Après, j'ai dû avoir recours à des opérations du genou, du
sein et de la jambe pour enlever des excroissances » et l’épouse d’un marin a rapporté
« qu’à la suite de cette exposition, notre fils, qui est né le 14
novembre 2012, a été diagnostiqué à huit mois avec le cancer du cerveau
et de la colonne vertébrale ». Etant donné le développement du
droit aus Etats-Unis, il y subsiste encore des possibilités de recours,
c’est ce qui a permis la class-action de quelques 81 marins du navire.
Et grâce au Freedom of Information Act (FOIA), les
plaignants – dont la majorité travaille toujours pour la Navy – ont eu
accès aux transcriptions des conversations téléphoniques entre les
fonctionnaires du gouvernement fédéral, les autorités nucléaires, les
responsables de l'ambassade des États-Unis à Tokyo et le personnel
militaire du Commandement Pacifique (PACOM) à ce moment-là. On y
constate la véracité de leurs dires malgré la prudence de mise dans ce
type d’échanges sensibles (The Asia-Pacific Journal, Vol. 12,
Issue 7, No. 4, February 17, 2014). Mais selon l’avocat des plaignants,
la Navy ne serait pas nécessairement en cause : le principal responsable
serait Tepco qui n'aurait pas prévenu du fait que le cœur du réacteur
n°1 avait fondu et que des éléments radioactifs avaient été projetés à
l'extérieur de la centrale lors de l'explosion du bâtiment. Les enjeux
dans cette affaire sont si importants que malgré le nombre de plaignants
et la solidité de leurs dossiers médicaux, il existe un fort risque
qu'elle soit classée sans suite. Ce fût d'ailleurs le cas une première
fois en novembre 2013 pour « absence de preuves ».
Quels sont les enseignements provisoires de cette affaire ? Primo, il est dit dans ces transcriptions de conversations téléphoniques que « le niveau de radiations était tel qu’en 10 heures le seuil admis pour le public était atteint ». Traduction de cette novlangue : le seuil admis outre Atlantique étant de 15 mSv [4]
annuels, cela signifie qu’en une heure l’irradiation était de 1,5 mSv,
ce qui en France, aurait déjà constitué un dépassement du seuil annuel !
Je rappelle que selon le rapport de l’ECRR, si les marins étaient
restés dans ces conditions deux semaines, ils avaient une chance sur
deux de rester vivants après leur retour.[5]
Comme
à Hiroshima, à Nagasaki, et comme dans tous les accidents majeurs qui
ont eu lieu depuis 1945, l’enjeu capital de cette affaire réside dans la
disimulation des radiations émises dans les premiers jours, car c’est à
ce moment-là qu’elles sont les plus importantes. Il en va de l’avenir
de l’industrie et du village nucléaire international ainsi que de la
pérennité des pouvoirs aux commandes des Etats nucléaires. Autrement
dit, il faut absolument dissimuler au public la gravité des faits durant
les premiers jours, sous prétexte d’éviter la panique, mais en réalité
pour éviter tous les recours qui pourraient durer des décennies contre
l’industrie, le village et les Etats nucléaires, quitte à en augmenter
les dangers et le nombre de victimes futures. Ainsi, depuis 1945,
l’histoire nous enseigne que pour les Etats et le village nucléaire
international, « gérer une catastrophe », c’est avant tout en éviter les
répercussions socio-politiques incontrôlées, la sécurité des
populations passant au second plan étant donné qu’il sera toujours
possible de contester tous les effets de cette catastrophe, à condition
que la nature et la quantité des effluents émis durant les premiers
jours soient drastiquement minimisées. Après tout, qu’y-a-t-il à
craindre de pauvres gens qui tomberont malades dans quelques années ou
dans trente ans, puisqu’il ne leur sera pas possible de prouver
l’origine de leur cancer, et que les responsables de ce temps-là
exerceront … d’autres responsabilités ou auront fait valoir leurs droits
à la retraite chapeau avec parachutes dorés ?
Deuzio,
on se souvient que Tepco avait « balladé » les journalistes du monde
entier en cachant la fusion des cœurs des réacteurs durant dix semaines,
le temps que l’actualité internationale de Fukushima refroidisse …
Pendant tout ce temps, le village et les puissances nucléaires étaient
évidemment au courant des fusions, mais l’omerta internationale a
correctement fonctionné. Via leur système satellitaire et leurs capteurs
au sol, les Etats-Unis (et vraisemblablement d’autres nations), sont
capables de détecter les effluents d’une explosion atomique (par exemple
en Corée du Nord) dans les minutes qui suivent celle-ci. A qui
fera-t-on croire que les responsables de la marine de ce pays en charge
du porte-avions Ronald Reagan n’étaient pas au courant de la fusion des
cœurs des réacteurs à Fukushima ? Et combien même cela serait le cas,
cela marquerait un grave dysfonctionnement des échanges entre les
services de surveillance ad hoc et les forces armées de ce même pays, au
détriment des personnels militaires et des réfugiés qu’ils étaient
venus secourir.
[2] http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/atom-heart-fucker-16-qu-est-il-150906 - http://www.natureetsciences.com/2014_03_01_archive.html
http://thelead.blogs.cnn.com/2014/02/19/did-fukushima-disaster-make-u-s-sailors-and-marines-sick/ - http://japanfocus.org/-Kyle-Cleveland/4075
http://ecowatch.com/2013/12/11/japans-new-fukushima-fascism/
http://thelead.blogs.cnn.com/2014/02/19/did-fukushima-disaster-make-u-s-sailors-and-marines-sick/ - http://japanfocus.org/-Kyle-Cleveland/4075
http://ecowatch.com/2013/12/11/japans-new-fukushima-fascism/
[4]
Les Etats-Unis en sont restés aux recommandations 26 de la CIPR de
1977, contrairement à d’autres pays qui ont adopté celles de 1990.
http://www.akademia.ch/~sebes/textes/1998/Belbeoch/1998RB_norme77.htm
http://www.akademia.ch/~sebes/textes/1998/Belbeoch/1998RB_norme77.htm
[5]
Il faut avoir atteint, selon la CIPR 5000 mSv, soit en l’occurrence 139
jours pour « avoir 50% de chances de mourir » rapidement, mais l’ECRR
préconise de diviser par dix ces « recommandations », ce qui correspond 2
semaines.
Tertio,
sur les photos de ce porte-avion (dont la marine nie encore
l’irradiation), on peut voir une chose dont on est à chaque fois
abasourdi, à savoir les moyens dérisoires utilisés contre la
contamination radioactive : comme dans les années 1950, des files de
marins bottés avaient été alignés et, armés de balais-brosse et de
produit vaisselle, ils lessivent le pont du navire, comme à Fukushima on
arrosait les bâtiments à la lance à incendie ou bien qu’on mettait
ensemble des batteries de voitures pour désespérement palier au défaut
de courant électrique dans les salles de contrôle-commande. Violent
paradoxe que celui-là et qui se renouvèle à chaque fois : d’un côté ils
nous vantent la modernité scientifique et la sécurité technique du
nucléaire ad nauseam, de l’autre ils font appel à des ressources
ridiculement inadaptées pour lutter contre ces catastrophes, signe de
l’impuissance réelle de ces cow-boys face à ce qu’ils ont déclenché. Il
faudrait demander à tous ceux qui soutiennent le nucléaire de s’engager
publiquement, à l’avance et par écrit à servir dans un corps de
volontaires pour aller sur les lieux de la prochaine catastrophe
nucléaire puisqu’ils n’en excluent plus l’occurrence périodique !
Quarto,
sur d’autres photos du pont de ce navire prises deux ans après, il est
possible de voir les dizaines d’automobiles des marins qui n’ont pas été
autorisés à les récupérer lorsqu’ils ont débarqué ! Sans doute
serait-il fâcheux qu’ils irradient un peu trop leur famille, leurs
voisins de garage ou bien que des oragnismes indépendants soient à même
de confirmer la contamination épouvantable de véhicules bon pour le
rebus comme des centaines de véhicules et d’hélicoptères avaient du être
abandonnés dans des cimetières à ciel ouvert après Tchernobyl. Plus
forte que Balladur ou Juppé, soyons sûrs que la marine US se chargera
elle-même d’emmener les véhicules à la casse après avoir octroyé une
prime royale à ses personnels afin qu’ils en achètent des neufs …
21
mars 2013,
http://www.10news.com/news/uss-ronald-reagan-returns-to-san-diego-after-more-than-a-year-in-washington-state-032113
Au-delà
de tous ces détails, ce qu’il faut réaliser, c’est que « la gestion des
catastrophes nucléaires » consiste essentiellement à nier par tous les
moyens l’importance de ses effluents dans les tous premiers jours [1],
afin de préserver l’avenir du nucléaire, plutôt que de risquer une
situation de révolte de type insurrectionnelle de la part d’une
multitude de personnes qui n’auraient plus rien à perdre, pas même leurs
vies, ni celle de leurs descendants. La militarisation de ces
situations va dans le même sens évidemment. On comprendra dans ce cadre
que l’ignorance des foules et leur encadrement soient essentiels. Ceci
est tellement vital que le gouvernement japonais vient de prendre un
« State Secrets Act » qui criminalise toutes les critiques et les
lanceurs d’alerte : il s’agit-là encore une fois de la restriction
démocratique des libertés démocratiques …
Jean-Marc Royer, mai 2014
[1] Cf. à ce sujet les révélations du Guardian.
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