Bonjour mes Chers Lecteurs.
Aujourd'hui je vous présente la sixième partie de l'étude scientifique
indépendante consacrée à la catastrophe nucléaire de Fukushima.
PUBLIE AVEC L'AIMABLE AUTORISATION DU BLOG Fukushima 福島第一
3. Les hypothèses
3.1. L’hypothèse de l’explosion d’hydrogène
La puissance et la couleur de la flamme
du premier événement évoque une explosion d’hydrogène. L’explosion du
BR1 le 12 mars avait également produit une flamme de même couleur, mais
répartie uniformément dans tout le bâtiment.
Une
explosion de ce type étant simplement le résultat de la combinaison
entre de l’hydrogène et de l’oxygène, elle ne devrait donner que de
l’eau et de la chaleur. On a un très bon exemple de formation d’un nuage
de vapeur avec cette explosion d'hydrogène du BR1 : suite à l’explosion
d’hydrogène, un nuage en forme de boule s’est formé très rapidement,
est monté jusqu’à une centaine de mètres de hauteur à une vitesse
supersonique de 600 m/s et a disparu complètement. Ce nuage furtif de
condensation visualise en fait le déplacement de l’onde de choc.
Fig. 88 : A 80 centièmes de seconde, le panache a entièrement disparu, l’eau s’est évaporée presqu’instantanément.
Or,
pour l’explosion du BR3, la nature du nuage résultant de la flamme
orange (nuage 4) est incertaine. Certes le panache produit est clair au
départ, mais sa couleur grise persiste et il ne disparaît pas. Il peut
être constitué de vapeur d’eau, mais pas uniquement, à moins que
l’hygrométrie du 14 mars n’ait pas permis une évaporation rapide du
panache.
Le
nuage noir (nuage 2) qui se forme au niveau du toit ne peut pas être
considéré comme de la vapeur. Il ne peut donc pas résulter d’une
explosion d’hydrogène. On peut imaginer qu’il résulte de la combustion
du goudron dont était composé le toit sous l’effet de la forte chaleur
provoquée par les explosions.
La
deuxième explosion ne peut pas plus être considérée comme une explosion
d’hydrogène car la première explosion a détruit les murs supérieurs du
bâtiment qui a été largement éventré. Comme la deuxième explosion
provoque un panache vertical de grande ampleur avec projection d’objets
extrêmement lourds à plus de 200 mètres d’altitude, il est forcément
guidé par un conduit vertical. Les murs du BR3 ne peuvent pas jouer ce
rôle puisqu’ils ont déjà été détruits par la première explosion, donc
c’est autre chose. Cinq structures à parois verticales pourraient jouer
ce rôle : le sas d'accès matériel, l’enceinte de confinement, la cuve du
réacteur, la piscine d’équipement et la piscine de combustible.
Examinons chacune de ces hypothèses.
3.1.1. Le sas d'accès matériel (« equipment hatch »)
C'est
un sas traversant tous les niveaux excepté le sous-sol permettant de
faire entrer et sortir le matériel volumineux dans le bâtiment réacteur,
en particulier les conteneurs de combustible nucléaire. Une partie de
la charpente de la toiture reposant sur cette ouverture, il ne nous
paraît pas vraisemblable que ce conduit ait pu être à l’origine de
l’explosion. De plus, si l’explosion avait eu lieu dans ce conduit, il
aurait détruit le mur ouest jusqu’à la base, ce qui n’est pas le cas.
Une
autre raison que ce sas ne peut être l’origine spatiale de l’explosion
est qu’il n’a pas vraiment de parois verticales, étant conçu pour
communiquer avec tous les étages. Une explosion s’étant produite au
niveau 4F, il a certainement dégagé une onde de choc verticale mais pas
dans les proportions telles que le montre la vidéo.
3.1.2. L’enceinte de confinement (« dry well »)
Cette
enceinte en forme d’ampoule est fermée par un couvercle boulonné. Elle
est également surmontée du puits de cuve protégé quant à lui par trois
couches de dalles antimissiles en béton armé. Selon les images du BR3
diffusées par Tepco, on sait qu’une de ces dalles a souffert car elle
est surbaissée en son centre de 30 cm par rapport au niveau normal.
Comme nous l’avons vu plus haut dans le paragraphe 2.7.7.1, ceci peut
s’expliquer de deux manières :
- soit quelque chose de très lourd est
tombé sur cette dalle, ce qui a provoqué son écrasement ;
- soit elle a
été soulevée par le souffle d’une explosion située en dessous d’elle,
puis est retombée à sa place en se déformant.
Dans le premier cas,
l’explosion verticale ne peut pas avoir comme origine l’enceinte de
confinement qui reste fermée. Dans le second cas, si la dalle se soulève
verticalement, elle pourrait laisser s’échapper le souffle d’une
explosion verticale. Cependant, vu la puissance de cette explosion, la
dalle ne se serait pas repositionnée au même endroit, elle se serait
déposée sur le bord, ainsi que les huit autres dalles (il y en a 3 par
couche) pour laisser passer le souffle vertical.
De plus, la partie du
toit qui est exactement au-dessus du puits de ravitaillement aurait
aussi disparu avec le souffle, ce qui n’est pas le cas (Au contraire,
c’est au centre que la charpente de la toiture a été le mieux
préservée). Ou alors, si la dalle n’avait été soulevée que
partiellement, le souffle aurait été oblique mais pas vertical, et
n’aurait pas eu cette élévation à plusieurs centaines de mètres de
hauteur. Une explosion verticale provenant directement de l’enceinte de
confinement est donc à exclure. (Il est à noter que l’IRSN, dès le 19
mars 2011, estimait
que la dalle antimissile située à la verticale de la cuve et de
l’enceinte de confinement avait été détruite lors de l’explosion.)
3.1.3. La cuve du réacteur (« RPV »)
C’est
dans cette cuve que se trouve le cœur du réacteur. Celle-ci se trouvant
à l’intérieur de l’enceinte de confinement, il est impossible, pour les
mêmes raisons développées dans le paragraphe précédent, que les parois
de cette cuve aient joué le rôle de fût de canon vu que le souffle de
l'explosion n'est pas passé par le puits de cuve.
3.1.4. La piscine d’équipement (« DSP »)
Cette
piscine est située juste à côté du puits de cuve du réacteur, côté
nord. Elle permet d’entreposer du matériel radioactif issu du réacteur
durant une réparation ou un ravitaillement. Par exemple, au moment du
tremblement de terre, le shroud
(l’enveloppe du cœur) du réacteur n°4 était entreposé dans la piscine
de matériel.
Pour ce qui concerne le réacteur n°3, étant donné qu’il
était en fonctionnement à ce moment-là, il est probable que cette
piscine était vide de matériel. Était-elle vide d’eau également ? Si
c’est le cas, pouvait-elle se remplir d’hydrogène ? Non si elle était
découverte car l’hydrogène est plus léger que l’air. Oui si elle était
couverte. Dans ce cas, les murs de cette piscine auraient pu jouer le
rôle d’un fût de canon au moment de l’explosion de l’hydrogène.
A noter
que, selon les photos du BR3 deux semaines après l'explosion, la piscine
de matériel était vide d'eau. A noter également que l’axe de visée du
nuage n° 3 passe par le centre de cette piscine et surtout par son angle
sud-ouest qui est justement celui qui a montré la plus grosse fuite
provenant du puits de cuve.
3.1.5. La piscine de combustible (« SFP »)
Cette
piscine se trouve également à côté du puits de cuve du réacteur,
positionnée du côté sud symétriquement à la piscine de matériel. Elle
permet d’entreposer du combustible usé à proximité du réacteur sans
sortir les assemblages de l’eau, ce qui met les travailleurs à l’abri
des rayonnements. Si elle est restée pleine d'eau, elle n’a pas pu se
remplir d’hydrogène et jouer le rôle d’un fût de canon pour ce type
d’explosion. Si une grande partie de son eau s’est évaporée suite à
l’arrêt de son refroidissement, l’hydrogène a pu remplir la piscine tout
en remplissant l’ensemble du bâtiment réacteur car l’hydrogène est plus
léger que l’air. Dans ce cas, les parois de la piscine ont pu jouer ce
rôle de conduit avec une profondeur de près de 8 m au-dessus des racks.
Dans le cas d’un accident de criticité, les parois ont pu jouer le même
rôle, que la piscine soit remplie d’eau ou pas, comme nous l’exposons
dans le chapitre suivant.
3.2. L’hypothèse d'un accident de criticité instantanée de la piscine de combustible
Dans
le cas où il ne s’agit pas d’une explosion d’hydrogène mais d’une
réaction de criticité, la piscine de combustible peut aussi remplir ce
rôle de fût de canon, ses quatre murs guidant l’onde de choc produite
par l’événement. Cette hypothèse est défendue par au moins trois
ingénieurs nucléaires, le Japonais Setsuo Fujiwara, ancien inspecteur au JNES (Japan Nuclear Energy Safety Organization), le scientifique britannique Christopher Busby, et l'Etatsunien Arnie Gundersen, ancien cadre de l'industrie de l’énergie nucléaire.
Étant
donné que l'enceinte de confinement n'a pas explosé, Arnie Gundersen
s'appuie sur le fait que du combustible a été retrouvé à plus de 3 km
des réacteurs (5) pour émettre l'hypothèse
que ces fragments proviennent de la piscine de combustible, et donc que
celle-ci a explosé. Il pense également que l'uranium trouvé à Hawaii et
sur la côte ouest des Etats-Unis, le plutonium trouvé sur place, et
l'américium trouvé en Nouvelle Angleterre, sur la Côte Est, sont des
résidus provenant de cette explosion atmosphérique (6).
(5) En juin 2013, on a retrouvé aussi des débris fortement radioactifs
à 20 km de la centrale, dans le lit asséché d'une rivière de Nahara. Il
est fort probable que ces fragments provenaient de l'explosion du BR3.
Pour comparaison, la portée d'un canon puissant peut dépasser 40 à 60
km.
(6)
On a également retrouvé du plutonium de Fukushima en Lithuanie, selon
G. Lujanienė, S. Byčenkienė, PP Povinec et M. Gera qui ont réalisé une étude environnementale
co-organisée par le Centre pour les sciences physiques et de la
technologie de Vilnius (Lituanie) et la Faculté de Mathématiques,
Physique et Informatique de Bratislava (Slovaquie).
Il
compare les explosions du BR1 et du BR3 en disant que l’explosion du
BR1 est une déflagration et que celle du BR3 est une détonation, ce qui
signerait une explosion due à un accident de criticité.
Il
affirme aussi que la couleur noire du panache de fumée (nuage 3)
indique qu'il était composé d'uranium et de plutonium volatilisé et que,
sous la forme d’aérosol, ces radionucléides pouvaient voyager très
loin.
Selon
son hypothèse, l'explosion aurait commencé avec une réaction
oxygène-hydrogène. Immédiatement après, cette réaction aurait créé une
onde de choc suffisante pour déformer les barres de combustible
nucléaire, ce qui aurait produit une réaction nucléaire et la détonation
(« une divergence prompte qu’on pourrait comparer à une sorte de
micro-explosion nucléaire », selon la physicienne Dominique Leglu), suivie d’un panache de fumée noire et l'éjection des gravats irradiés.
Setsuo Fujiwara explique les choses d'une manière un peu différente. Selon lui,
il y a eu une explosion d'hydrogène au-dessus de la surface de l'eau
dans la piscine de combustible, et en raison de la pression délivrée par
cette explosion, les « vides », c'est-à-dire les bulles de vapeur, ont
été compressés dans l'eau bouillante. Comme le coefficient modérateur
(7) est devenu subitement positif, la réactivité de la fission nucléaire
a été soudainement accrue, produisant un accident de criticité
instantanée.
(7) Le coefficient modérateur est aussi appelé le « coefficient de vide » :
- S’il est négatif : effet auto-stabilisant de la réaction nucléaire. Si la puissance neutronique augmente, le flux de chaleur augmente, et la densité du fluide diminue vu la production de vapeur, et comme la densité de ce modérateur diminue, on observe une diminution de la puissance.
- S’il est positif : emballement, par l’effet inverse du processus décrit ci-dessus.
- S’il est négatif : effet auto-stabilisant de la réaction nucléaire. Si la puissance neutronique augmente, le flux de chaleur augmente, et la densité du fluide diminue vu la production de vapeur, et comme la densité de ce modérateur diminue, on observe une diminution de la puissance.
- S’il est positif : emballement, par l’effet inverse du processus décrit ci-dessus.
L'hypothèse
soutenue par ces ingénieurs serait facile à prouver ou à réfuter si la
composition du nuage radioactif était diffusée. En effet, le ratio de
deux isotopes du Xénon pourrait donner la signature d'un accident de
criticité. Mais ces informations seraient tenues secrètes par l'armée
américaine. Une autre manière de connaître la composition du panache
serait de rendre public les mesures effectuées par le réseau TICEN (60
laboratoires dans le monde) mais ces analyses sont censurées par les Etats qui ont signé le Traité d'Interdiction Complète des Essais Nucléaires.
3.3. L’hypothèse de l’explosion de zirconium
Une
troisième hypothèse a été énoncée par Trifouillax sur son site Gen4 en
octobre 2011. Ce site regretté n'existe plus aujourd'hui dans sa version
originale mais on peut en retrouver certains articles dans des sauvegardes.
Cette hypothèse envisage une explosion au sein des assemblages
eux-mêmes due à l'utilisation de l'alliage de Zirconium (Zircaloy) qui
assure le gainage des assemblages de crayons de combustible. Cette
matière, selon Gen4, a la particularité de présenter « un pouvoir
explosif équivalent à celui de la nitroglycérine » et supporte très mal
les températures supérieures à 300° C. La fiche internationale de sécurité chimique
consacrée au Zirconium confirme que ce métal est très instable dans
certaines conditions : quand il est chauffé, il réagit violemment avec
les oxydants, le borax et le tétrachlorure de carbone ; il peut aussi
provoquer une explosion en présence d'hydroxydes de métaux alcalins, ou
s'il se présente sous forme de poudre ou de granulés mélangés à l'air.
Il peut ainsi s'enflammer spontanément en présence d'oxygène ou d'eau
une fois la température de 1000°C atteinte. C'est pourtant ce métal qui a
été choisi par l'industrie nucléaire pour fabriquer les gaines de
combustible car il a des propriétés de perméabilité neutronique très
intéressantes.
Avant
l'explosion du 14 mars 2011, la piscine de désactivation du BR3 avait
perdu une partie de son eau et le combustible avait fortement chauffé ;
l'hypothèse d'une explosion de zirconium est donc envisageable, surtout
en présence du métal alcalin qu'est le césium (produit de fission).
Même
si l'hypothèse d'une explosion de zirconium n'a jamais été retenue
jusqu'à maintenant, l'industrie nucléaire reconnaît la dangerosité de ce
métal qui, en s'oxydant, a l'inconvénient majeur de produire de
l'hydrogène en abondance s'il est porté à une température dépassant les
800°C. Ce fameux métal est ainsi officiellement mis en cause dans
l’origine des explosions d’hydrogène des bâtiments réacteurs 1 et 2 de
Fukushima Daiichi. Il peut aussi provoquer des « feux de piscine » où
les barres de combustible pourraient brûler tels des cierges magiques
(pyrophoricité) et libérer les produits de fission dans l'atmosphère,
comme l'explique Robert Alvarez, ancien conseiller principal au Département de l'Énergie américain.
3.4. L’hypothèse de l’explosion de vapeur
La
première personne à évoquer une explosion de vapeur est le directeur de
la centrale, Masao Yushida. Il s'écrie, juste après l’événement :
« QG ! QG ! C’est affreux ! L’unité 3 a explosé maintenant. Je pense que
c’est probablement la vapeur. » Mais rapidement on lui fait comprendre
qu'il doit s'aligner avec la version officielle de l'explosion
d'hydrogène.
Le
principal défenseur de cette hypothèse s'appelle Ian Goddard. Sur son
site internet, ce chroniqueur d’investigation explique dans le détail
comment il interprète les événements. Sa démonstration a été traduite en
français dans cet article déjà publié sur ce blog, le lecteur s'y
reportera pour en prendre connaissance : Unité 3 de Fukushima : la théorie de l’explosion de vapeur
Pour
résumer, Ian Goddard estime que la première explosion est produite par
l’hydrogène et que la seconde est une explosion de vapeur qui se produit
au sein de l’enceinte de confinement au moment où le corium tombe dans
le fond rempli d’eau. Il suppose que la pression est telle qu’elle fait
éclater le couvercle de l’enceinte de confinement et soulève les dalles
antimissiles puis s’échappe à l’extérieur produisant le panache de 300
mètres de hauteur.
Nous
ne sommes pas d’accord avec certains éléments de l’enquête de Ian
Goddard. Tout d’abord, celui-ci prétend qu’il y a trois panaches de
vapeur s’échappant du puits de cuve. Pourtant, les photos dont il se
sert n’en montrent que deux.
Pour
confirmer l’existence d’un troisième panache, il se sert d’une part de
la photo infrarouge du 20 mars 2011 que nous avons étudiée plus haut
mais en décalant l’ouverture du puits de cuve, et d’autre part en
considérant quelques lueurs sur la vidéo de l’explosion comme des
flammes. Pour notre part, nous interprétons ces lueurs sur la gauche
comme des reflets de la flamme principale sur des poutres blanches de la
cheminée d’évent et nous ne considérons ainsi comme fait avéré que la
flamme visible au sud-est.
Par
ailleurs, son interprétation de l’explosion présentée sous forme
d’animation ne tient pas compte du fait que les dalles antimissiles sont
restées en place. A sa décharge, quand il a développé son hypothèse en
2011, ce fait n’était pas encore connu. Impossible donc de faire un
panache vertical avec les dalles en place. La probabilité pour que 9
dalles antimissiles se soulèvent et se replacent exactement où elles
étaient à l’origine est quasi nulle. Donc nous ne pouvons pas conserver
cette hypothèse d’origine du nuage n° 3.
Cela
étant, les explosions et les dégâts étant multiples et complexes, nous
n’excluons pas la possibilité d’une explosion de vapeur.
LIEN VERS LA PARTIE 7
LIEN VERS LA PARTIE 7
Merci infiniment,
Serviteur,
A noter que ça bouge au Japon : La Justice vient d'obliger la fermeture de 2 réacteurs pour "raison de sûreté" (manque de garanties en cas de tsunami)
RépondreSupprimerhttp://www.lemonde.fr/planete/article/2016/03/09/au-japon-la-justice-freine-la-relance-du-nucleaire-pour-raisons-de-surete_4879051_3244.html